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| histoires à dormir ! | |
| | Auteur | Message |
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nomad_land
Nombre de messages : 521 Date d'inscription : 17/09/2004
| Sujet: histoires à dormir ! Lun 18 Oct à 17:33 | |
| Boulevard Saint-Laurent. Frank et moi revenons de prendre un bol de café Dieu sait où. Je dis: « La vie, en fin de compte, c'est mal scénarisé. C'est un peu comme un immense, un colossal film de série B, mais avec sept milliards d'acteurs, qui jouent en simultané, sur un unique plateau de tournage gigantesque qui se nomme la Terre. Et c'est un film qui dure depuis toujours et qui ne se terminera peut-être jamais. » Frank se gratte le menton. « Ça n'est pas un film si nul, admet-il enfin. C'est même une superproduction: n'oublions pas qu'il y a Robert De Niro là-dedans
david pèle mèle
http://pages.infinit.net/commune/texte_photos_plume.html | |
| | | nomad_land
Nombre de messages : 521 Date d'inscription : 17/09/2004
| Sujet: Re: histoires à dormir ! Lun 18 Oct à 18:51 | |
| Entretien d'embauche
- Je n’ai noté aucune référence à Dieu dans votre CV. - Vous voulez dire, dans la rubrique « Hobbies » ? - Dans celle-là ou dans une autre. Dieu est complètement absent de votre profil, toutes rubriques confondues. - Pourtant je suis catholique, mais je n’y avais plus pensé. Je pratique surtout à Noël. Je vais au marché aux santons et à la messe de minuit mais ça ne m’a pas semblé un atout comme de pratiquer un sport d’équipe par exemple. C’est pour ça que j’ai préféré indiquer que je joue au volley ball tous les samedis. - Une relation, même ténue, même épisodique, avec la transcendance, n’est jamais négligeable pour entrer chez Plinex. Nous y prêtons beaucoup d’attention. - J’ai aussi été au catéchisme. - Pas de crise mystique dans votre adolescence ? - Des crises mystiques ? C’est quand on est malade à l’église ? Alors si, une fois j’ai fait un malaise mystique. Je me suis évanoui à la messe. La voix du prêtre qui résonnait, les gens autour de moi, tout s’est éloigné, tout a disparu, je ne sentais plus rien, je sentais juste que j’étais bien, et quand on a réussi à me réveiller, j’ai retrouvé l’usage d’une douleur au dos parce que le banc d’église sur lequel j’étais allongé était très dur, et ça m’a semblé regrettable de revenir là, sur ce banc au milieu de ma famille et de cette fin de matinée juste avant le repas au poulet mort de dimanche midi, alors que j’étais si bien nulle part, sans colonne vertébrale ni méninges ni intestin ni tout le reste de l’engin. Le docteur a dit ensuite que j’étais en hypo-quelque chose. Un truc dangereux. Hypoglycérine je crois. - Glycémie. - C’est ça. Mais je ne l’ai pas mis non plus dans mon CV. Je ne sais pas où j’avais la tête quand j’ai rédigé ce CV. - Ca n’est pas grave. L’entretien sert justement à faire ressortir ce que le CV a pu laisser dans l’ombre. - En fait moi je suis plutôt un manuel. Et comme votre annonce parle d’un travail de pliage… - Oui, chez Plinex tous les mouchoirs sont pliés à la main avant d’être insérés dans leurs paquets. Nous conservons les méthodes traditionnelles qui ont fait l’excellence et la réputation de la marque. Vous connaissez le slogan de notre dernière campagne ? - « Plié avec amour, Plinex console toujours ». J’ai vu la pub à la télé pas plus tard qu’hier. Le travail manuel, ça a toujours été mon truc, donc je pensais déjà bien convenir au poste, et en plus vous me dites que j’ai des atouts religieux, rapport à ma crise d’hypoglycéride. - Glycémie. - J’avais pas pris de petit déjeuner. C’est un évanouissement, ou une crise mystique si vous préférez, qui arrive quand on a le ventre vide… Est-ce que ça signifie que chez vous on a pas de tickets restaurant ? - Il ne s’agit pas de nourriture matérielle. Il s’agit de sortir le travail de pliage de sa pure dimension industrieuse, pour l’élever au rang d’activité quasi mystique, en utilisant dans ce sens ses aspects mécanique et répétitif. L’usine a été installée dans les bâtiments d’un ancien monastère, et nous avons commandé à un grand couturier parisien un uniforme qui rappelle la robe de bure. - Une robe de bureau ? - De bure. - Pour plier des mouchoirs dans un monastère ? - Oui, dans l’esprit d’égrener son chapelet ou de réciter des versets du Coran. - Ca me paraît beaucoup. Plier les mouchoirs, dire mon chapelet, verser du colorant. Et tout ça en hypoglycémie dans un monastère. Franchement c’est dommage mais je crois que pour moi ça ne va pas être possible.
O.S | |
| | | Mina
Nombre de messages : 3727 Localisation : Sweetzerland Date d'inscription : 22/09/2004
| Sujet: Re: histoires à dormir ! Mar 19 Oct à 8:57 | |
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| | | nomad_land
Nombre de messages : 521 Date d'inscription : 17/09/2004
| Sujet: Re: histoires à dormir ! Mar 19 Oct à 16:27 | |
| TREMPEE DE MERDE
"- Racontez moi votre plus grande satisfaction. - J'ai mis longtemps à être propre, longtemps, très longtemps. A quatorze ans je faisais toujours pipi au lit et à douze, les couches me retenaient encore le caca du matin. Quand ma mère était fatiguée de me laver les urines nocturnes, je trainais à l'école mes fonds de culotte sales. Je trainais aussi avec moi une odeur pestilentielle qui permettait à mes camarades de lapider sans vergogne le "pisseux putois" que j'étais. Un jour, à l'âge de six ans, j'étais en classe et incapable encore une fois de contrôler mes sphincters Je restais ainsi plusieurs heures, collée à ma chaise, avec l'odeur et la merde collée sur les fesses. Je réussi à le cacher à la maîtresse, il fallait surtout le cacher à ma mère. A Onze heure et demi, en fin de classe, je rentrais à la maison réfléchissant à ce que je pouvaisfaire pour qu'elle ne s'en apercoive pas. Elle ne m'avait pas vu rentrer et j'étais déjà dans sa chambre à fouiller dans les cartons sous son lit. Il y avait des papiers, plein de papiers ; des contrats d'assurance, des factures d'électricité, le contrat de bail, des centaines de papier, de quoi essuyer ma merde et toutes celles que je me voyais encore faire. Je pris une première feuille, et j'entamais le nettoyage. J'essuyais, déjà contente d'avoir trouvé le filon pour échapper aux claques de maman. Lorsque mes fesses furent assez propres, je ramassais du bout des doigts les documents administratifs trempés de fiente et il me vint à l'idée de les balancer par delà la fenêtre. Nous habitions une courée dont les habitations portaient encore les vestiges du labeur des teinturiers du textile. Une pompe à eau pour douze maisons, une seule cuve à chiotte avec la porte en bois, le coeur au milieu et les mouches en farandole. Il y avait derrière cette rangée de maison, une école et un mur qui donnait à la cour de récréation. Je jeaugeais donc la distance et j'entamais ma lancée. Le premier tomba pile, derrière. J'imaginais en souriant la tronche des instituteurs ramassant la merde dans leur administration. Le deuxième faillit revenir dans notre petit jardinet. Je le laissais choir, le coeur vibrant, n'osant imaginer la fureur de ma mère si elle tombait dessus. Quand j'eu lancé le troisième, maman sortit de la maison et le papier lui tomba aux pieds. Elle leva les yeux et quand je décidais de remettre ma tête à la fenêtre, elle était déjà dans la chambre. Elle avait dans sa main ce petit bout de papier, ce petit bout rempli de merde. Ce petit bout de merde qui n'avait pas fait l'effort de voler assez haut. Elle ne disait rien maman, mais elle attrapa ma tignasse et les cheveux emmélés firent voler ma tête par delà l'escalier. Elle me traînat ainsi , jusqu'à une petite cabine, à l'arrière de la cuisine. Au passage, elle avait récupèré le cordon électrique du vieux transistor qui chantait dans la cuisine. Cette petite pièce où elle m'emmena aurait pu nous servir de cabine de douche si maman avait eu les moyens d'en faire poser une, mais elle ne servait qu'à entreposer les produits ménagers et les sots de maman. Avec la force de sa colère, elle m'y envoya cogner contre le mur, referma le rideau derrière elle et se mit à frapper. Le premier coup fut cinglant et brisa net toutes mes vélleités de parole. Cette cabine était pour moi jusqu'àlors une fabuleuse cachette de jeu. j'y amenais mes poupées, j'y restais des heures. Elle devenait, ce jour du premier coup de maman, la cabine de torture et le lieu de ma pire douleur. J'étais déjà sonnée et je laissais mon corps s'abandonner sur le carrelage, espèrant lâcher la douleur avec lui. J'étais par terre. Maman le prit comme une victoire, celle de l'autorité sur l'insoumission, celle de la raison sur le chaos et son fouet correcteur frappait, frappait, frappait. Maman, si tu savais comme j'ai eu mal. Maman n'entendait rien. Je ne sais plus combien de temps ça a duré, sûrement longtemps parce que j'ai gardé les empreintes de ce jour plusieurs mois. Peut-être peu de temps, parce que finalement, au bout du cinq ou sixième coup, je n'avais déjà plus mal. Au dixième ou onzième coup, je me suis mise en boule. Pour protèger quoi ? Je ne sais pas, pour me protèger de maman. J'étais petite, toute petite, mais elle arrivait toujours à m'atteindre. Elle frappait maman, elle frappait toujours. Plus elle frappait, plus j'entendais le sifflement du cordon électrique qui se délectait à fuser sur ma peau d'enfant. Et elle frappait maman, ivre de colère et de folie. Elle frappait sa vie et sa misère, elle frappait sa pauvreté, elle frappait le sort qui s'acharnait sur elle et sur sa descendance. Allez frappe maman, désaoule toi. Je n'avais plus mal, maman, je n'avais déjà plus mal. Alors, elle s'arrêta net. Plus au début de la fatigue occasionnée par sa frénésie que par rèelle conscience de son horreur. Elle déposa son cordon. Elle me regarda longtemps, elle semblait descendre petit à petit, elle semblait réaliser son acte, elle semblait me réaliser. Je ne disais rien, mon épiderme fumait encore des coups de maman. Je ne sentais rien, je ne me sentais plus mais je me suis sentie soulevée par maman. Elle m'allongea sur le divan crasseux qui trônait dans notre sombre salon. Elle prit la bassine d'aluminium, la remplit d'eau et la posa sur le poêle incandescent qui n'avait rien à envier au feu qui me dévorait la peau. Elle revint vers moi pour me déshabiller. N'enlève rien maman, ca colle. Le tissus avait commencé à pénètrer la chair. Maman prit un ciseau. J'ai eu peur encore, j'ai cru qu'elle voulait remplacer son cordon électrique. Elle m'a lavé. Elle m'a soigné en pleurant et m'a demandé si je voulais retourner à l'école. J'ai dit oui. Sur la route, maman m'a acheté un énorme paquet de bonbons. Il y en avait des jaunes, des rouges des bleus ; il y avait des frites salées, des crocodiles verts et des fraises tagada. Il y en avait pour une fortune, au moins 5 francs. En classe, j'ai partagé mes bonbons et ils étaient tous collés au "pisseux putois". J'étais heureuse et satisfaite, ce jour. J'étais heureuse d'être le centre et l'attraction de cette minute. L'un d'eux m'a même prit par l'épaule en me réclamant un malabar et en remerciement, me fit remarquer qu'il acceptait de me parler aujourd'hui parce que je ne puais pas."
[url]TREMPEE DE MERDE
"- Racontez moi votre plus grande satisfaction. - J'ai mis longtemps à être propre, longtemps, très longtemps. A quatorze ans je faisais toujours pipi au lit et à douze, les couches me retenaient encore le caca du matin. Quand ma mère était fatiguée de me laver les urines nocturnes, je trainais à l'école mes fonds de culotte sales. Je trainais aussi avec moi une odeur pestilentielle qui permettait à mes camarades de lapider sans vergogne le "pisseux putois" que j'étais. Un jour, à l'âge de six ans, j'étais en classe et incapable encore une fois de contrôler mes sphincters Je restais ainsi plusieurs heures, collée à ma chaise, avec l'odeur et la merde collée sur les fesses. Je réussi à le cacher à la maîtresse, il fallait surtout le cacher à ma mère. A Onze heure et demi, en fin de classe, je rentrais à la maison réfléchissant à ce que je pouvaisfaire pour qu'elle ne s'en apercoive pas. Elle ne m'avait pas vu rentrer et j'étais déjà dans sa chambre à fouiller dans les cartons sous son lit. Il y avait des papiers, plein de papiers ; des contrats d'assurance, des factures d'électricité, le contrat de bail, des centaines de papier, de quoi essuyer ma merde et toutes celles que je me voyais encore faire. Je pris une première feuille, et j'entamais le nettoyage. J'essuyais, déjà contente d'avoir trouvé le filon pour échapper aux claques de maman. Lorsque mes fesses furent assez propres, je ramassais du bout des doigts les documents administratifs trempés de fiente et il me vint à l'idée de les balancer par delà la fenêtre. Nous habitions une courée dont les habitations portaient encore les vestiges du labeur des teinturiers du textile. Une pompe à eau pour douze maisons, une seule cuve à chiotte avec la porte en bois, le coeur au milieu et les mouches en farandole. Il y avait derrière cette rangée de maison, une école et un mur qui donnait à la cour de récréation. Je jeaugeais donc la distance et j'entamais ma lancée. Le premier tomba pile, derrière. J'imaginais en souriant la tronche des instituteurs ramassant la merde dans leur administration. Le deuxième faillit revenir dans notre petit jardinet. Je le laissais choir, le coeur vibrant, n'osant imaginer la fureur de ma mère si elle tombait dessus. Quand j'eu lancé le troisième, maman sortit de la maison et le papier lui tomba aux pieds. Elle leva les yeux et quand je décidais de remettre ma tête à la fenêtre, elle était déjà dans la chambre. Elle avait dans sa main ce petit bout de papier, ce petit bout rempli de merde. Ce petit bout de merde qui n'avait pas fait l'effort de voler assez haut. Elle ne disait rien maman, mais elle attrapa ma tignasse et les cheveux emmélés firent voler ma tête par delà l'escalier. Elle me traînat ainsi , jusqu'à une petite cabine, à l'arrière de la cuisine. Au passage, elle avait récupèré le cordon électrique du vieux transistor qui chantait dans la cuisine. Cette petite pièce où elle m'emmena aurait pu nous servir de cabine de douche si maman avait eu les moyens d'en faire poser une, mais elle ne servait qu'à entreposer les produits ménagers et les sots de maman. Avec la force de sa colère, elle m'y envoya cogner contre le mur, referma le rideau derrière elle et se mit à frapper. Le premier coup fut cinglant et brisa net toutes mes vélleités de parole. Cette cabine était pour moi jusqu'àlors une fabuleuse cachette de jeu. j'y amenais mes poupées, j'y restais des heures. Elle devenait, ce jour du premier coup de maman, la cabine de torture et le lieu de ma pire douleur. J'étais déjà sonnée et je laissais mon corps s'abandonner sur le carrelage, espèrant lâcher la douleur avec lui. J'étais par terre. Maman le prit comme une victoire, celle de l'autorité sur l'insoumission, celle de la raison sur le chaos et son fouet correcteur frappait, frappait, frappait. Maman, si tu savais comme j'ai eu mal. Maman n'entendait rien. Je ne sais plus combien de temps ça a duré, sûrement longtemps parce que j'ai gardé les empreintes de ce jour plusieurs mois. Peut-être peu de temps, parce que finalement, au bout du cinq ou sixième coup, je n'avais déjà plus mal. Au dixième ou onzième coup, je me suis mise en boule. Pour protèger quoi ? Je ne sais pas, pour me protèger de maman. J'étais petite, toute petite, mais elle arrivait toujours à m'atteindre. Elle frappait maman, elle frappait toujours. Plus elle frappait, plus j'entendais le sifflement du cordon électrique qui se délectait à fuser sur ma peau d'enfant. Et elle frappait maman, ivre de colère et de folie. Elle frappait sa vie et sa misère, elle frappait sa pauvreté, elle frappait le sort qui s'acharnait sur elle et sur sa descendance. Allez frappe maman, désaoule toi. Je n'avais plus mal, maman, je n'avais déjà plus mal. Alors, elle s'arrêta net. Plus au début de la fatigue occasionnée par sa frénésie que par rèelle conscience de son horreur. Elle déposa son cordon. Elle me regarda longtemps, elle semblait descendre petit à petit, elle semblait réaliser son acte, elle semblait me réaliser. Je ne disais rien, mon épiderme fumait encore des coups de maman. Je ne sentais rien, je ne me sentais plus mais je me suis sentie soulevée par maman. Elle m'allongea sur le divan crasseux qui trônait dans notre sombre salon. Elle prit la bassine d'aluminium, la remplit d'eau et la posa sur le poêle incandescent qui n'avait rien à envier au feu qui me dévorait la peau. Elle revint vers moi pour me déshabiller. N'enlève rien maman, ca colle. Le tissus avait commencé à pénètrer la chair. Maman prit un ciseau. J'ai eu peur encore, j'ai cru qu'elle voulait remplacer son cordon électrique. Elle m'a lavé. Elle m'a soigné en pleurant et m'a demandé si je voulais retourner à l'école. J'ai dit oui. Sur la route, maman m'a acheté un énorme paquet de bonbons. Il y en avait des jaunes, des rouges des bleus ; il y avait des frites salées, des crocodiles verts et des fraises tagada. Il y en avait pour une fortune, au moins 5 francs. En classe, j'ai partagé mes bonbons et ils étaient tous collés au "pisseux putois". J'étais heureuse et satisfaite, ce jour. J'étais heureuse d'être le centre et l'attraction de cette minute. L'un d'eux m'a même prit par l'épaule en me réclamant un malabar et en remerciement, me fit remarquer qu'il acceptait de me parler aujourd'hui parce que je ne puais pas." [/url] | |
| | | nomad_land
Nombre de messages : 521 Date d'inscription : 17/09/2004
| Sujet: Re: histoires à dormir ! Mar 19 Oct à 16:28 | |
| ah merde ! l'url déconne ! | |
| | | nomad_land
Nombre de messages : 521 Date d'inscription : 17/09/2004
| Sujet: Re: histoires à dormir ! Mar 19 Oct à 16:31 | |
| L'OEUVRE
Et dire que je me fous d'être dernier ou premier et que je me cramponne comme si ma vie en dépendait... je suis bête comme un âne... et encore les ânes bougent la queue. Moi ma queue est chevaline, tressée méticuleusement tous les matins, et défaite chaque soir, après m'être démaquillée tristement (c'est toujours triste de se démaquiller car la réalité vous revient toujours en pleine gueule avec un malin plaisir). Et Monsieur Dumond qui ne me dit jamais rien de gentil sur mes cheveux. Il ne me dit jamais rien de gentil d'ailleurs. Il ne me voit même pas ; je ne suis pas laide, au contraire, mais aucun compliment. Sourire inexistant, M. Dumond m'ordonne, c'est tout. Il me juge aussi. Je suis un outil soumis soudé à mon clavier ou à ma plume. Je suis sa secrétaire, un écrivain pauvre, une écri-vaine, de ses mots, aigrie de ne pouvoir injecter mes talents de porte-plume. Inexorablement les même codes écrits, "cher Monsieur du Menton-Haut Placé etc"... "Veuillez agréer mes..." que mon patron ne prend même plus la peine de finir, me lançant "je vous laisse terminer avec les mots d'usage ma p'tite Gisèle (c'est moi)". Ces textes me dépriment. J'adore écrire, je devrais être comblée car je n'ai jamais autant gratté. Je n'en tire que peu de satisfaction, le contenu m'irrite. Jamais le moindre jeu de mots ; oublié le calembour hâtif que personne ne voit. Un jour mon patron me dictait une lettre adressée à un ami penseur, encore un philosophe des troquets. Pour faire bien, mon "maître" avait décidé de conclure par un très impressionnant : "Voyez-vous, mon cher Ami Karl, (il fallait mettre un K à Carl, pour faire plus érudit, plus sophiste, le pire étant que son vrai prénom était Charles, bref) les hommes méritants sont rarement entourés de personnes honorables. Qu'en pensez-vous?, J'espère malgré tout faire parti de ceux-là!". C'était certes bien écrit, bien construit, on aurait même pu entendre le ton sérieux sur lequel il m'avait dicté cela rien qu'à sa lecture, mais j'aurais voulu effacer ces traces, les remplacer par un : "Voyez-vous, si les gens bons ont des sales amis, où va le monde ?". Le jeu de mots, bien que très moyen (mais il est de moi alors j'en suis fière), serait passé aisément et le texte aurait eu plus de saveur... si je puis dire ! Mais mon patron, ne pense qu'à son travail et tel un taureau fonce tête basse sans se tarauder. Sans tard rôder d'ailleurs. Il se couche toujours très tôt, me laissant à ma tâche, la rédaction de toute sa paperasse, face à tous ces mots de remerciements aux partenaires commerciaux, qu'il aura pris le soin d'enregistrer sur une petite cassette de dictaphone, afin de ne pas se répéter et de me faire travailler seule. Je ne lis plus avec alacrité. Je ne lis plus. Tel ce taureau fonceur, il ne change jamais d'avis. Originaire du Nord de la France et adorateur de la Suisse, je lui dis souvent, en un sourire liquide qu'il ne voit de toute façon pas, que son coeur "Bâle-Lens" entre les deux régions. Il me retourne aussi sec : "Taisez-vous donc Gisèle, vous perdez mon temps à dire n'importe quoi, poursuivons ! notez ceci !...". Alors je note, j'écris ces phrases, qui ne sont pas ses phrases, car dépourvues de tout sentiment. J'adore écrire, j'adore mon patron. Aucun des deux ne me le rend. Ses mots sont coupables de mes maux. Que je tente d'exorciser en notant mes poèmes sur un vieux cahier de musique. A mon temps libre j'offre des lignes de poésies. J'ai même songé une fois à me supprimer, mais je préfère voir l'encre couler sur une feuille vierge plutôt que mon sang de femme usée sur mon tapis vert dur. "Supprimer". Je l'entends souvent ce mot : "Supprimez, Gisèle !... Ah ! je ne trouve pas le mot exact... et vous qui me regardez comme une bécasse, aidez-moi donc ! Soyez utile pour une fois ! Je me demande pourquoi je vous paye et à quoi vous m'êtes nécessaire... Ah ! j'ai trouvé, ALTRUISME, le mot m'avait echappé... Heureusement que je suis là, ma p'tite Gisèle (que c'est humiliant à la fin ce "p'tite", ça fait voleuse d'orange prise en flag'), tout le monde ne peut pas être patron. Poursuivons." Il avait raison. Tout le monde ne peut pas devenir patron, moi j'étais trop gentille et raisonnable. Et puis je suis prisonnière de l'écriture car si je n'aimais pas autant cela, j'aurais quitté cet homme de ma vie. J'aurais cessé de faire des jeux de mots futiles, mais très utiles à mon équilibre, notés sur un morceau de papier : "Trotski fait trop de ski ; Kant se décante ; Peut-on reprocher aux riants visages de ne point mettre un voile sur leurs émotions ; Kant, Herbrow ce sont surtout eux les philosophes du plaisir épicurien ..." Ces bouts de phrases qui ne veulent rien dire mais qui me font sourire pendant mes dures heures d'abaissement psychologique sont vitaux. Sans ce petit plaisir, je ne pourrais plus rien. Je sais que le tort tue lentement, je sais aussi que la passion attise toujours le petit feu à l'intérieur de mon petit coeur. Je resterai longtemps encore chez Monsieur Dumond, je sais que c'est malsain, je l'avoue, et je ne me voue à aucun saint pour être réconfortée. Même si je ne bouge plus la queue depuis bien longtemps, je m'accrocherai. Et puis de toute façon l'été arrive avec son fameux mois doux.
http://www.mauxdauteurs.com/hugues/ane.php3 | |
| | | nomad_land
Nombre de messages : 521 Date d'inscription : 17/09/2004
| Sujet: Re: histoires à dormir ! Mar 19 Oct à 17:14 | |
| J'ai déboulé du fond de l'arène, tête baissée, le feu aux reins, la fumée aux naseaux, crachant plus d'écume qu'une vague déferlante et soulevant plus de poussière qu'un troupeau, ainsi sans traîner j'ai gagné ma table de travail à laquelle je me suis assis pour écrire. On pourrait me prendre pour un garçon studieux. Ma chaise croit que je suis notaire. J'ai bien travaillé à l'école. J'ai appris la langue docilement. Je suis devenu un pion de la syntaxe. Je suis à ses ordres. Je connais presque tous les mots. Le système en vigueur n'a rien à redouter de moi. Je veille au bon usage de la langue qui le supporte et le soutient, une langue de bois, un bois dur et précieux : je sculpte là-dedans des petites figures, des petits reliefs. Je festonne. Audaces d'ébéniste. Du moins semble-t-il. Car le taureau est en moi. Je le contiens. Sa violence contrariée ne cesse de croître, elle m'habite. Tous mes muscles en sont pleins. Je bouge à peine, deux doigts sur ma feuille. Le taureau rue et piaffe. J'oppose au monde un visage souriant. Parfois pourtant, je n'en puis plus, je cède, je lâche mon taureau. Il charge. Il distribue des coups de tête. Il balance ses sabots dans les murs. Il encorne deux ou trois épouvantails. Mais bien vite, je le rappelle. Sa fureur se dilapide au-dehors, elle est presque sans effet. Le monde est trop vaste. Je ravale mon taureau. Il m'est plus utile dedans. Je le bride, comme un bœuf. Il va tirer mon train de munitions. Je mets sa colère au travail. J'apprends à celle-ci la patience et la ruse. Souvent, il y a sa corne dans mon rire
Éric Chevillard | |
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