Le président français n'a pas assisté au déjeuner organisé à Bruxelles avec le chef du gouvernement irakien
L'Europe accueille Allaoui, Chirac le boude
Bruxelles : de notre correspondante Alexandrine Bouilhet
[06 novembre 2004]
Jacques Chirac s'est encore singularisé, hier, à Bruxelles. Le président français n'a pas participé au déjeuner organisé par la présidence néerlandaise de l'Union en l'honneur d'Iyad Allaoui, le chef du gouvernement intérimaire irakien. Tous les autres chefs d'Etat et de gouvernement européens étaient présents. Jacques Chirac a laissé son ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, le représenter, préférant s'envoler, de son côté, pour les Emirats arabes unis, pour assister aux funérailles du vieux cheikh Zayed.
Son attitude n'est pas passée inaperçue. A l'heure où l'Europe tente d'afficher un visage uni face à la crise irakienne, en apportant son aide à la reconstruction, elle a donné, une fois de plus, l'image d'un continent divisé et mal à l'aise. Iyad Allaoui fut le premier à regretter l'absence de Chirac, qu'il n'a même pas pu voir en aparté. Pour dissiper tout malentendu, le président français a annoncé qu'il avait invité le président irakien à venir à Paris. Précaution d'usage, qui n'a pas dissipé les soupçons de boycottage de la France à l'égard du nouvel Irak.
Après s'être entretenu en tête à tête avec Allaoui, Tony Blair a regretté l'attitude frileuse de la vieille Europe. «Allons de l'avant ! a-t-il supplié. En Irak, et aux Etats-Unis, il y a une nouvelle réalité : travaillons avec cette réalité ! George Bush est là pour les quatre prochaines années, (...) il est important que nous travaillions avec les Américains et bien sûr avec le gouvernement irakien pour apporter la stabilité à l'Irak.»
Ce discours réaliste a été repris par le président en exercice de l'Union, Jan Peter Balkenende : «Tous les Etats membres sont d'accord : les Irakiens ont besoin d'un Etat stable. Ils ont besoin de l'aide de la communauté internationale et de l'Europe. Et l'Europe doit le faire dans l'unité.»
Malgré le contentieux passé, l'Union européenne a assuré Allaoui de son soutien moral et financier. Elle a promis 30 millions d'euros pour l'organisation des élections en janvier prochain, une somme qui vient s'ajouter aux 300 millions d'euros d'aide humanitaire. Les Vingt-Cinq ont également offert leur appui au rétablissement de l'Etat de droit, proposant une contribution à la formation de la police, de la justice et de l'administration locale. «Et cela ne s'arrêtera pas là», a assuré le président de l'Union, qui se rendra à la conférence internationale de Charm el-Cheikh le 23 novembre.
Accueillant cette offre poliment, le chef du gouvernement irakien a expliqué que ce qui se passait dans son pays «concernait le monde entier». Comme George W. Bush, il a replacé la situation en Irak dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, estimant qu'il était «dans l'intérêt de l'Europe» de participer à ce combat planétaire.
Après l'Espagne, la Hongrie et les Pays-Bas ont annoncé le retrait prochain de leurs troupes. «Cela aura des conséquences négatives, cela va encourager les terroristes», a-t-il regretté.