Télévision : La maman putative de Poutine
LE MONDE | 26.11.04 | 13h29
Une babouchka de 77 ans, ridée comme une vieille pomme, qui vit dans un village reculé de Géorgie croit reconnaître en 1999 à la télévision son petit garçon qu'elle a abandonné à l'âge de 10 ans en Russie. Vera Putina est persuadée qu'elle est la mère de Vladimir Poutine. Son village aussi, d'ailleurs, où chacun y va de son anecdote concernant le jeune Vladimir, qui adorait pêcher dans la rivière et se faisait faire une coupe "mi-boxe" par le coiffeur local. Une voisine se souvient qu'il était souvent mis à la porte de sa maison par son beau-père, qui ne l'aimait pas et le battait.
Cette étrange affaire nous était rapportée, jeudi soir 25 novembre sur Arte par une réalisatrice néerlandaise, Ineke Smits. Cette dernière réussit le prodige de faire parler la maman putative du président russe et la moitié du village sans jamais se poser la question de savoir si l'histoire est vraie. C'est comme à la fin d'un banquet géorgien lorsque les convives se lancent dans des récits échevelés. On est dans l'univers du conte et pas dans celui du journalisme d'investigation.
Vera Putina croit avoir retrouvé son fils perdu, qui a si bien réussi là-bas en Russie, et aimerait surtout qu'il vienne lui faire une petite visite sans rien dire à personne. Mais elle ne veut pas lui faire du tort. Elle sait qu'il a fait carrière au KGB, où il a prétendu qu'il était orphelin. Et les services secrets aiment précisément les orphelins parce qu'ils deviennent pour eux une famille d'adoption.
Officiellement, Vladimir Poutine est né le 7 octobre 1952 à Leningrad, redevenue par la suite Saint- Pétersbourg, et pas dans un village géorgien. Vera Putina, qui est russe, a eu un amour de jeunesse, un militaire prénommé Platon qui lui a fait un enfant et l'a quittée rapidement. Elle était enceinte lorsqu'elle a rencontré un Géorgien qui l'a emmenée dans son village, où elle vit depuis 52 ans.
Son nouveau compagnon ne s'entendait pas avec le petit Vladimir. Elle a été obligée de retourner en Russie pour le confier à sa propre mère, puis l'enfant a disparu. Elle aimait beaucoup danser, Vera, et elle danse toujours à l'occasion. Elle n'oublie pas d'aller verser un peu d'alcool sur la tombe de son mari géorgien, à propos duquel elle préfère éviter de porter un jugement. Elle n'a pas eu une existence facile, mais la vie est ainsi faite. Et elle sait admirablement raconter une histoire.
dominique dhombres