Les mystères des entrailles de la Terre
OUEST-FRANCE 27/11/05
Creuser un puits au fond de l'océan Pacifique pour en savoir plus sur la vie ? C'est pour bientôt.
Entrer sous la mer dans les entrailles de la Terre. Explorer la croûte océanique dans les failles abyssales de l'Océan. Faire parler le caillou, le sédiment, cette zone étrange où glissent méchamment les plaques tectoniques à l'origine des séismes les plus meurtriers. Pas mince. L'accès aux grandes profondeurs minérales était jusqu'ici du domaine de l'impensable. De l'impossible ? A croire que non. Grâce à un tout nouveau navire de forage japonais opérationnel en 2007, le défi est en passe d'être relevé. Pour la première fois, l'homme va creuser un puits au fin fond du Pacifique pour atteindre le manteau enfoui, cette couche « pré-coeur » de la planète placée entre la croûte superficielle et le noyau en fusion. Sous nos pieds 'continentaux', sous notre cher plancher des vaches, l'épaisseur de la croûte terrestre intermédiaire est de 50 km. Sous l'eau, elle serait comprise entre cinq et sept kilomètres tout au plus. C'est encore loin du noyau en fusion. Mais percer ces petits kilomètres pour atteindre le manteau flirtant avec les 3 000 km d'épaisseur sera un pas de géant pour l'homme. Un plongeon majeur dans la matière.
« Dans certaines zones, il existe du manteau à la surface des dorsales, ces chaînes de montagnes volcaniques sous-marines, explique Marguerite Godard, chercheur en géochimie au CNRS, à l'Université de Montpellier. Mais nous n'avons jamais atteint le manteau océanique à travers la croûte, jamais vu, en fait, de manteau frais. Finalement, nous ne connaissons que la partie la plus superficielle de notre planète. Allez voir ce qui s'y passe plus en profondeur est fondamental. Les enseignements retirés nous permettront de mieux comprendre la géodynamique de la Terre et, par extension, comment fonctionnent Mars, Vénus, Neptune... » De la Terre à l'Espace ou comment étendre la boucle du savoir en creusant, creusant toujours et encore.
Le Chikyu, bateau laboratoire, est un des joyaux technologiques de la flotte nippone. Ce bâtiment de 57 500 tonnes sera capable de forer à travers une couche d'eau de 2 500 mètres un puits de 7 kilomètres dans la roche grâce à un nouveau système de tubage emprunté à l'industrie pétrolière.
Le riser, « foret » de dernière génération, déjouerait les risques d'effondrement du puits, un phénomène très fréquent à moins 2000 mètres. Cette prouesse sous haute pression maîtrisée permettra t-elle aux scientifiques de remonter des informations sur l'Histoire de la Terre ? C'est le but recherché. « Actuellement, sur l'ensemble de la planète, nous avons à peine ratissé une surface grande comme la ville de Paris. Et encore ! Du manteau, nous disposons fondamentalement de trois fois rien. C'est comme si, jusqu'ici, nous avions planté trois têtes d'épingles sur le globe. C'est dire s'il nous reste tant de choses à découvrir... »
A l'heure où la création de l'écorce terrestre, après avoir pris un coup de vieux de 500 millions d'années, serait susceptible de remonter à 4,5 milliards d'années, (4,56 milliards d'années pour la Terre), la mince couche océanique, forée au large du Japon, pourrait révéler des trésors scientifiques fabuleux. Des réponses au mystère de la vie ? Elle pourrait s'avérer précieuse dans la compréhension des grondements sismiques. « Il est essentiel pour l'homme de connaître les mécanismes qui contrôlent les séismes pour espérer prédire un jour leur déclenchement. » C'est plus terre à terre, certes, mais plus urgent.
Pierre CAVRET. Le journal et
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Sujet: 20 000 lieues sous la mer 
